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Lettre de F. Chopin adressée à J. Fontana

(Traduction de la lettre)

 

Palma, le 28 décembre 1838, ou plutôt, à quelques lieues de la, Valldemossa. Tu peux m’imaginer, entre les rochers et la mer, dans une cellule d’une immense chartreuse abandonnée aux portes plus grandes qu’aucune porte cochère de Paris. Je suis là sans frisures, ni gants blancs, et pâle comme à l’ordinaire. Ma cellule, en forme de grand cercueil, a une énorme voûte poussiéreuse, une petite fenêtre donnant sur les orangers, les palmiers, les cyprès du jardin. Face à la fenêtre, sous une rosace filigranée de style mauresque, un lit de sangle. A côté du lit, un vieil intouchable, sorte de pupitre carré, mal commode pour écrire et sur lequel est posé un chandelier de plomb avec (grand luxe pour ici) une bougie…

Sur ce même pupitre, Bach, mes grimoires et d’autres papiers qui ne sont pas à moi… Silence… On peut crier… silence encore. En un mot, je t’écris d’un endroit bien étrange.

J’ai reçu, il y a trois jours, ta lettre du 9 de ce mois. Comme c’est fête à présent, le courrier partira seulement la semaine prochaine, alors je t’écris sans me presser et la traite que je t’envoie mettra sans doute un mois russe pour te parvenir. C’est une belle chose que la nature, mais il faudrait ne pas avoir affaire aux hommes. Ni aux routes, ni aux postes. Chaque fois que je me suis rendu de Palma à Valdemosa, ce fut toujours avec le même cocher et jamais par la même voie. Ici, les ruisseaux creusent les chemins, les avalanches les remettent en état. Aujourd’hui, on ne peut plus passer parce que le sol vient d’être labouré ; demain, seules les mules pourront y accéder. Et quelles voitures il y a ici ??!!

Aussi, mon Julien, n’y trouve-t-on aucun anglais, pas même un consul.

Peu importe ce que l’on dit de moi. Léo, quel Juif !

Il m’est impossible de t’envoyer les Préludes ; ils ne sont pas finis. Ma santé est meilleure, je vais me dépêcher, quant au Juif, il recevra de moi une courte lettre ouverte qu’il avalera jusqu’au talon [en marge:] ou bien jusqu’où tu voudras.

Le coquin ! et dire que je suis allé chez lui la veille de mon départ pour lui dire de ne rien envoyer chez moi.

Schlessing[er] est encore plus chien d’avoir fait un album de mes valses et de l’avoir vendu à Probst alors qu’à sa demande instante je les lui avais données pour qu’il les adresse à son père à Berlin.

Tous ces poux me démangent moins à présent. Que Léo soit furieux, soit ! Seulement, j’ai pitié de toi, mais au plus tard dans un mois tu seras délivré de tes tracas avec lui et avec mon propriétaire. Emploie, s’il faut, l’argent de Wessel.

Que fait mon domestique ? Donne de ma part vingt francs d’étrennes au portier quand tu auras reçu l’argent et paye le fumiste s’il vient. Je ne crois pas avoir laissé quelque grosse dette. En tout cas, je te le promets, nous serons quittes dans un mois au plus tard. La lune est admirable ce soir, jamais je ne l’ai vue aussi belle. A propos ! Tu dis m’avoir fait suivre une lettre des miens. Je n’ai rien vu, ni reçu. Et pourtant, elle me serait si nécessaire. L’as-tu bien affranchie ? Quelle adresse as-t mise ? La seule lettre qui, jusqu’à présent, m’est parvenue de toi était fort mal adressée. N’écris donc jamais « junto » sans précision. Le monsieur chez qui on peut m’écrire (un grand imbécile par parenthèse) se nomme Riotord. Je te donnerai la bonne adresse. [Chopin avait d’abord écrit puis biffé : Je préférerais que tes lettres ne fussent envoyées là où je suis, et mon piano aussi]. Le piano attend depuis 8 jours dans le port la décision de la douane qui réclame des montagnes d’or pour cette cochonnerie… Ici, la nature est bienfaisante, mais les hommes sont voleurs. Ils ne voient jamais d’étrangers aussi ne savent –ils quel prix leur réclamer pour ce qu’ils leur vendent. Les oranges sont pour rien, mais un bouton de culotte coûte des prix fantastiques. Mais tous cela n’est qu’un grain de sable en comparaison de ce ciel, de la poésie émanant de toutes choses et de vives couleurs de ce paysage. C’est l’un des plus beaux dimanches et les yeux des hommes ne l’ont pas terni. Ils ne sont pas nombreux ceux qui ont effarouché les aigles planant chaque jour sur nos têtes.

Ecris, pour l’amour de Dieu. Affranchis toujours tes lettres et n’oublie pas d’indiquer Palma de Mallorca. Je t’envoie une lettre pour les miens et la traite. J’aime Jeannot et déplore qu’il ne soit point préparé à assumer la direction d’une maison de bienfaisance pour les enfants dans quelque Bamberg ou Nuremberg. Qu’il m’écrive enfin et qu’il soit un homme. C’est me semble-t-il la troisième ou quatrième lettre que je t’envoie pour mes parents !

Embrasse Albrecht, mais parle peu.

 

Ton Chopin

 

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Chopin à Camille Pleyel à Paris,

Marseille, 12 mars 1839  (au retour d'Espagne)

 

 

Je suis fâché, Cher Ami, que Fontana ait été vous importuner de mes affaires. Je m’étais cru autorisé à le charger de ce message auprès de Vous, parce que Vous m’aviez offert d’éditer ma musique. Je lui écris aujourd’hui même de ne pas vous fatiguer davantage à ce sujet. – Je Vous ai écrit deux lettres de Mayorque et j’ai eu le chagrin de ne pas recevoir de réponse. – J’apprends par Fontana que Vous êtes encore souffrant, ce qui me chagrine encore plus que votre silence; quant à moi – à l’époque où je vous écrivais j’étais dangereusement malade; je puis Vous le dire que je suis hors d’affaire et tout à fait en convalescence.

Le piano est resté à Palma. Je l’ai vendu ou à peu près vendu pour douze cents francs qui Vous serons soldé à Paris par Mrs Canut et Magnerot, banquiers à Palma – ou par moi si c’est à moi que ces Messieurs font passer la somme.

Je viens de leur écrire que, s’ils sont décidés à prendre ce piano, comme ils me l’annoncent  à peu près définitivement, ils ayent à vous rembourser directement. J’attends leur réponse. En cas où ils me renverraient l’instrument, je le recevrais ici et vous le ferai parvenir. – Je compte retourner à Paris quand le beau temps y sera. – Je l’attends ici où le climat est doux et où j’achève de me rétablir.

 

Au revoir donc, Chérissime

 t[out] à V[ous]

F. Chopin.

 

Mes respectes chez Vous.

 

Marseille, 12 Mars 1839

 

Nous souhaitons partager avec vous cet article paru dans Notre 6eme, le journal du 6eme arrondissement, (no 287 - novembre 2015) pour vous faire découvrir ou redécouvrir la Librairie Polonaise située au 123, boulevard St Germain

C’est au chef d’orchestre Jean-Paul Penin, souvent considéré par la presse musicale comme « un découvreur de chefs-d’œuvre », que l’éditeur allemand Bärenreiter proposa la recréation française et le premier enregistrement mondial de la Messe Solennelle de Berlioz, à la tête de la Philharmonie Nationale de Cracovie (Radio-France, France-Télévision, Musidisc-Universal).

Ont alors suivi le premier enregistrement intégral du Fernand Cortez de Spontini (1998), grand opéra napoléonien, du Freischütz de Weber, dans la version française incluant les récitatifs écrits par Berlioz (1999), puis celui de l’Œdipe à Colone (2005) de Sacchini, commandé par Louis XVI pour l’inauguration du nouvel Opéra de Versailles. Son enregistrement de l’opéra Gwendoline, de Chabrier, quant à lui, a été salué par la revue Opéra International comme l’un des grands événements discographiques de ces dernières années. Le chef, parfois, pose la baguette et prend la plume du compositeur, avec notamment ses « Douze Valses Parisiennes » (Syrius, 2013), recréant des vues originales sur le Paris des années 1930, ou son ballet « Interludes », sur un livret de la romancière Françoise Kerymer (2015).

La Polonaise de Jean-Paul Penin

 

100 ans de l'indépendance de la Pologne  :

 

 

La Pologne a recouvré son indépendance il y a 100 ans, en Novembre 2018 : des manifestations importantes célébreront cet événement. En avant-première, nous vous proposons le livre du professeur Edmond Marek," A l'aube d'une résurrection " à lire et à diffuser largement.

 

La France a largement contribué à cette renaissance de la Pologne, qui avait disparu en tant qu'état, pendant 125 ans, à la suite du partage de 1793, entre la Prusse, l'Autriche et la Russie.

 

télécharger l'extrait du livre

 

 

Ania Guillaume Pabis est une artiste d'origine polonaise installée à Monaco et reconnue internationalement. Jacky Morelle nous en trace le portrait ci-dessous. Elle l'a également interrogée sur sa relation à l'Europe.

 

Ces femmes qui font l'Europe (9) : Ania GUILLAUME PABIS, artiste peintre, un hymne à la beauté

13/08/2013

Ania, tu es reconnue internationalement en tant qu'artiste. Que représente l'Europe pour toi en termes d'opportunités ?

AGP : Depuis ma petite enfance je suis Européenne. J'ai vécu en Pologne, en Tchécoslovaquie, en Angleterre et surtout en Belgique. Pour moi, l'Europe a toujours été une unité en soi grâce à  ma vie dans tous ces pays.

Ya -t-il des pays européens qui apprécient plus particulièrement tes œuvres?

AGP : J'expose beaucoup au Japon (mais ce n'est pas l'Europe!!!). En Europe, c'est surtout la sensibilité des personnes qui me poussent dans une voie ou dans une autre.

S'il y avait une chose à faire pour rendre l'Europe plus accessible aux yeux des citoyens, quelle serait-elle?

AGP : En général les artistes voyageaient et voyagent toujours beaucoup... Pour les jeunes, on a créé Erasmus, ce programme d'échange d'étudiants et d'enseignants entre les universités et les grandes écoles européennes. Les étudiants peuvent effectuer une partie de leurs études dans un autre pays européen. Il faudrait penser à envisager une chose similaire pour nos dirigeants politiques.

 

Portrait d'Ania Pabis Guillaume par Jacky Morelle

 

 Ania Guillaume Pabis est d’origine polonaise. Grâce à une grand- mère peintre et une mère passionnée par la nature, elle a appris très jeune à rapprocher le beau naturel et le beau artistique.

Ania est à la fois sculpteur, peintre et céramiste. Ses œuvres ont été exposées en France, en Belgique, en  Pologne, en Chine et au Japon. C’est une grande artiste internationale.

Sa peinture est un hymne à la beauté. L’influence orientale est évidente dans les vagues géantes sur fond d’or et la sinuosité des troncs d’arbres. C’est pour elle une manière d’attirer l’oeil du spectateur et de l’entraîner dans son univers fait de rêves, d’idées, d’âme et d’infini. Ses toiles sont de véritables bouffées d’émotion. La contemplation de ses œuvres déclenche en nous l’amour du beau. Ce qui est beau touche, charme et transporte.

 En céramique, elle travaille le contraste entre l’aspect brut du grès et la brillance de l’émail. Ce travail de surfaces donne une force inhabituelle aux œuvres, laisse entrevoir clairement la personnalité de cette artiste hors du commun et crée le trait d’union entre son inspiration picturale et sculpturale.

La sculpture était la suite logique de toutes ses expériences.

L’expressivité de ses sculptures frappe autant que leur symbolisme. Des personnages comme le merveilleux hommage à Chopin sortent tout droit de ses rêves et laissent apparaître l’émotion au travers de nos yeux.

Les sculptures retiennent et plaisent par la  noblesse, la pureté des lignes, les belles proportions, la hardiesse des compositions,  l’originalité de la conception tout comme un poème élégamment composé, dont les différentes parties sont bien équilibrées et se répondent entre elles. Elles traduisent merveilleusement le relief et comme sa peinture, se servent des yeux pour atteindre l’âme.

Sa dernière œuvre en bronze se trouve à la mutuelle Saint Christophe, juste à côté du Val de Grâce. L'usage de l'automobile est une nécessité pour les prêtres dans l'exercice de leur ministère. C'est ainsi qu'au début des années 30 naît l'Automobile Club Saint Christophe, association destinée à aider les prêtres pour l'achat et l'entretien de leur automobile. Le 1er juin1962, l'association devient la Mutuelle Saint Christophe assurances, la "mutuelle des prêtres". La direction avait demandé à Ania de symboliser le chiffre 4 et elle a tout de suite pensé aux 4 éléments : l'eau qui nous abreuve, l'air que nous respirons, le feu qui nous réchauffe et la terre qui nous porte et aux symboles des 4 évangélistes : l'aigle (Jean), le taureau (Luc), le lion (Marc) et l'homme (Mathieu). Quoi de plus naturel pour ce prestigieux endroit empreint de chrétienté. Ania ne pouvait imaginer plus bel écrin pour accueillir ses œuvres en bronze.

Son magnifique aigle (Jean) regarde vers l'entrée de la mutualité comme s'il plongeait vers l'être humain pour l'accueillir, pour le protéger. Il symbolise le 2ème élément l'air. Sur l'arceau en bronze,  Ania a dessiné des plumes et une feuille de ginkgo, vraisemblablement le plus vieil arbre du monde qui a su résister à tous les bouleversements géologiques et thermiques.

Saint Mathieu symbolise de manière classique l'homme. L'artiste l'a représenté par un mouvement transcendantal des mains jointes en offrande d'où jaillira l'eau, symbole de la pureté.

Le lion (Marc) symbole de la lumière : sa tête a été faite en cire directe donc pas de moule, pas de possibilité de reproduction. La crinière est composée de scories c'est- à- dire de morceaux de bronze qu'Ania a assemblés à la fonderie, un peu à la manière d'un puzzle. Elle a mis  au point une technique issue de sa compréhension du bronze qui explique en partie la beauté saisissante de cette pièce.

Enfin le taureau (Luc), symbole de la terre qui semble regarder les autres sculptures et les inviter à un dialogue de bronze.

Ses œuvres paraissent légères tant la lumière peut les faire frissonner.

Pour cette artiste internationale, ses dernières sculptures sont une forme de méditation sur le monde, l'homme, la matière et le temps.

 

  Jacky MORELLE